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Le monde de la musique
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23 janvier 2007

Stockhausen et l'annexion de l'espace

Il est impossible d'écrire sur la mise en espace de la musique sans rappeler les conditions architecturales de son apparition dans l'histoire de la musique. La spatialisation est attestée pour la première fois dans la basilique St Marc de Venise lorsque la polychoralité apportée par les compositeurs flamands a investi les deux tribunes d'orgue qui se faisaient face. Plus tard, Jean-Sébastien Bach utilisera les deux tribunes de St Thomas de Leipzig pour faire dialoguer les deux chœurs de la Passion selon Saint Mathieu. La spatialisation permet d'une part d'éviter le rapport frontal statique entre les interprètes et les auditeurs, d'autre part de dynamiser le dialogue musical entre des masses sonores et enfin de rendre les sources sonores mobiles dans l'espace. Qu'en est-il chez Stockhausen ?

Le 30 mai 1956 a lieu la première de Gesang der Jünglinge pour bande seule à la Maison de la Radio de Cologne. Pour la première fois, la pièce est composée pour cinq groupes de haut-parleurs répartis dans l'espace, tout autour et au-dessus des auditeurs. Plusieurs versions ont été mixées suivant les circonstances de diffusion. Si une version monophonique a été réalisée en 1956 pour une radiodiffusion, le compositeur considère la version avec cinq canaux comme une référence. La répartition spatiale des sons concrets et électroniques correspond à une fonction structurelle et non à une simple extension des paramètres perceptifs. La direction du son et son mouvement sont intégrés à la volonté de généralisation sérielle. « En incorporant un contrôle de la position dans l'espace, il aura été possible pour la première fois de démontrer esthétiquement l'application universelle de ma technique sérielle intégrale »

La musique électronique n'a pas été la seule à bénéficier de cette dimension. Gruppen fait entendre trois orchestres disposés en fer à cheval. L'auditeur doit être face à un orchestre et avoir les deux autres à sa droite et à sa gauche.

En 1959, Stockhausen expérimente les sons électroniques de synthèse et la projection spatiale avec Kontakte. Cette œuvre existe en trois versions, une première sur deux pistes pour sons électroniques conçue pour la radiodiffusion, une deuxième sur quatre pistes pour une projection quadriphonique dans une salle et une troisième pour la scène, pour sons électroniques, piano et percussions, les deux premières réalisées dans les studios de la W.D.R. à Cologne. Les mouvements dans l'espace prennent six formes différentes : rotations, mouvements en boucle, alternances, sons fixes différents dans chacun des haut-parleurs, sons fixes identiques dans tous les haut-parleurs et points spatiaux isolés.

Le matériel spécial, construit entre 1958 et 1960 pour Kontakte sera réutilisé pour Hymnen. Il s'agissait d'une « table de rotation » disposant d'un haut-parleur tournant posé sur une table dont le son était capté par quatre micros disposés en carré.

Les lieux choisis pour l'exécution des œuvres participent également à une mise en espace comme on parle de mise en scène ou de mise en onde. Hymnen a ainsi été entendu dans les grottes immenses de Jeita au Liban le 25 novembre 1969. Le 3 septembre 1972, Hymnen était joué sur le site de l'ancienne Persépolis. Le compositeur assurait la « projection sonore ». Un projectionniste sonore est toujours requis par Stockhausen. Il doit à la fois bien connaître la partition et maîtriser la pratique d'exécution de la musique électronique, notamment les techniques du mixage.

Le problème d'une architecture adaptée à la spatialisation de la musique a toujours représenté un enjeu important pour les compositeurs intéressés par la spatialisation.

KugelauditOsaka

Stockhausen en 1970 à Osaka.

Selon Stockhausen, une solution consisterait en « un espace sphérique à la surface duquel seraient disposés des haut-parleurs. Au milieu de cet espace sphérique serait suspendue une plate-forme acoustiquement perméable et transparente où les auditeurs prendraient place.  »

Pour la première fois, à l'Exposition Universelle d'Osaka de 1970, Stockhausen a pu collaborer avec un architecte afin de construire un auditorium sphérique dans le pavillon de l'Allemagne. Les 550 auditeurs étaient placés sur une plate forme centrale perméable au son. Ainsi, les haut-parleurs entouraient complètement le public. Un « moulin rotatif » (simple dispositif mécanique possédant des contacts) doté d'une entrée et de douze sorties permettaient de projeter le son dans 50 haut-parleurs. Stockhausen continuera à utiliser la spatialisation.

L'espace investit est bien sûr l'espace de la perception physique. Cependant, Stockhausen déclare entrer dans un nouvel espace, un « espace intérieur ». Comme dans la peinture de Klee, la musique est montrée de plusieurs points de vue, elle acquiert « la perspective multiple d'une seule composition.  »

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Commentaires
M
Tout comme Wishes, je découvre ce blog passionant d'un passionné. L'idée des catégories est bonne aussi, même si le côté "toutes les musiques sans barrière ni frontière" est intéressante.<br /> Bonne continuation.
W
Je trouve votre blog très intéressant. Mais puis-je vous suggérer de faire figurer des catégories pour aller à certains posts plus directement ? Par exemple : musique ancienne, baroque, romantisme, contemporain...<br /> Peut-être me trouverez-vous "ingérente"...<br /> Merci<br /> Make a Wish
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